La neutropénie : quels sont les causes et les symptômes de ce trouble hématologique

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Qu'est ce que la neutropénie 

 

L’hémogramme, ou Numération Formule Sanguine (NFS), inclut le comptage des leucocytes communément dénommés globules blancs. La valeur normale de ces derniers oscille, chez un adulte, entre 4 et 10 G/L. La formule leucocytaire détaille la numération de chacune des sous‑populations leucocytaires. Parmi elles, figurent :

  • les lymphocytes,
  • les monocytes,
  • les polynucléaires, dont les granulocytes neutrophiles également dénommés polynucléaires neutrophiles dits PNN qui sont un type de globules blancs.

Ce sont ces derniers qui nous intéressent dans le cadre de ce trouble sanguin. 

D’après les valeurs biologiques usuelles communément admises en médecine, les PNN sont compris entre 2 et 7,5 G/L chez un adulte. Ils représentent la majorité des globules blancs en circulation dans le sang. La distribution des granulocytes neutrophiles varie en fonction de l’âge des sujets. Aussi, l’âge du patient est un paramètre important à considérer. 

 

Histologie de ce trouble hématologique

 

Les granulocytes neutrophiles sont des cellules issues des précurseurs de la moelle osseuse. Ils se distinguent morphologiquement notamment par leur noyau polylobé permis par une chromatine condensée et leur cytoplasme acidophile incluant :

- des granulations primaires azurophiles (myélopéroxydase, phosphatases acides et alcalines, défensines, protéases, …)

et

- des granulations secondaires neutrophiles (transcobalamine, lactoferrine, protéases…).

 

Ces granulocytes se répartissent en trois secteurs dans l’organisme :

  • Le secteur de réserve médullaire : au cours de la granulopoïèse neutrophile, principalement régulée par les facteurs de croissance GM‑CSF (Granulocyte‑Macrophage‑Colony Stimulating Factor) et G‑CSF (Granulocyte‑Colony Stimulating Factor). C'est un compartiment de multiplication et de maturation où les granulocytes neutrophiles restent environ quatre jours avant de passer dans le sang.
  • Le secteur vasculaire : passage transitoire de 12 à 20h caractérisé par un pool circulant (mesuré par la formule leucocytaire) et un pool marginé où les granulocytes neutrophiles adhèrent à l’endothélium.
  • Le secteur tissulaire : migration irréversible des granulocytes neutrophiles marginés, dont la durée de vie sera d’un à trois jours, vers les tissus au cours de la diapédèse.

 

 

 

 

 

Polynucléaire neutrophile observé sur frottis sanguin au microscope optique (coloration May‑Grünwald Giemsa).

 

Physiopathologie de ce trouble sanguin

Ce trouble hématologique se définit comme la diminution du nombre de polynucléaires neutrophiles circulant, en dessous de 1,5 G/L. Ce déficit porte atteinte au système immunitaire de l'organisme et augmente le risque de maladies infectieuses, bactériennes ou mycosiques.

Un taux faible de ces granulocytes, inférieur à 0,5 G/L, traduit une agranulocytose. Cet état est une urgence vitale qui requiert prise en charge à l'hôpital, en raison du risque infectieux.

Le traitement des cancers par substance chimique induit une toxicité hématologique et plus particulièrement une neutropénie chimio induite. Sa gravité potentielle est conditionnée par la profondeur et la durée des soins chimiques anti‑cancéreux.

Les mécanismes physiopathologiques

Il peut s'agir d'une utilisation ou une destruction à vitesse accélérée des neutrophiles ou une réduction du niveau de la génération de ces granulocytes par la moelle osseuse.

Les origines

Cette diminution peut être d'origine

  • centrale
    • insuffisance quantitative de production - aplasie ou hypoplasie granuleuse,
    • anomalie qualitative - trouble ayant pour cause une anomalie de la cellule souche productrice de ces granulocytes ou une cause extra corpusculaire (inhibiteur humoral ou cellulaire),
  • périphérique

destruction exagérée par des allo anticorps, des auto‑anticorps ou des complexes immuns générant une augmentation de la séquestration splénique avec hyper destruction par phagocytose macrophagique,

 

Les pseudo‑neutropénies par anomalies de répartition présentent une margination excessive de ces granulocytes le long des parois vasculaires; ce qui est sans conséquence au niveau infectieux.

 

Clinique

Les polynucléaires neutrophiles sont des acteurs essentiels de l’immunité cellulaire non spécifique capables de détruire et d’éliminer des micro organismes lors d’infections bactériennes, fongiques et mycosiques. Cette destruction intervient grâce à leur capacité de mobilité, de chimiotactisme et d’adhérence ainsi que par leur fonction de phagocytose et d’activité bactéricide par des systèmes dépendants de l'oxygène. Avec l'O2, nous serons en présence d'une explosion oxydative des formes réactives du dioxygène avec intervention de la NADPH oxydase. Sans oxygène, nous serons en présence d'une libération du contenu des granulations. 

Ce trouble sanguin se traduira au niveau clinique par un tableau d’infections. On distingue les formes légères (1 à 1,5 G/L) et modérées (0,5 à 1 G/L) des formes sévères ou agranulocytoses (<0,5 G/L) asymptomatiques puis associées à un tableau clinique bruyant lorsque les signes de développements de germes pathogènes apparaissent (cellulite, furonculose, pneumonie, septicémie, …). Si les signes locaux d’inflammation tels que érythème, gonflement, douleur, infiltrats peuvent être atténués, la fièvre est présente lors de la plupart des cas sévères.

En cas d'un taux faible de ces granulocytes, la réponse inflammatoire est inefficace. En effet, une neutropénie profonde altère significativement le système immunitaire en particulier si un autre facteur est présent, tel qu'un cancer; elle peut provoquer des infections rapidement fatales. 

 

Caractéristiques de la neutropénie chimio‑induite

 

La neutropénie fébrile ou l'aplasie fébrile est la principale complication de la chimiothérapie. La fièvre est le premier signe de la maladie. L'âge de survenue moyen est de 34 ans. Le délai de survenue est de 10 jours après la chimiothérapie avec une hospitalisation d'environ 10 jours. La durée de l'aplasie fébrile est de 5.5 jours avec recrudescence de la température aux environs du 2ème jour. 62% des patients ont fait plus de deux épisodes.

Son tableau clinique est principalement composé de maladies infectieuses: 47% Infection ORL , 12% digestives (avec atteinte buccale: mucite) et 5.7% cutanée. Le taux de mortalité qui en résulte est estimé entre 0 et 40%.

 

En situation d’agranulocytose, la flore microbienne endogène (buccale ou digestive par exemple) peut générer des pathologies infectieuses, bactériennes ou mycosiques.

Le diagnostic et la prise en charge des sujets dépendent de la sévérité du déficit et de son caractère isolé ou non. Si le faible taux de granulocyte neutrophiles a une cause médullaire, la neutropénie sera souvent associée à d’autres cytopénies (érythropénie, thrombopénie, anémie …) pouvant déboucher sur des pancytopénies.

 

Étiologie

 

Les étiologies divergent en fonction du caractère congénital ou acquis de la neutropénie. 

 Les neutropénies congénitales

Elles se manifestent symptomatiquement pendant la petite enfance à travers un tableau d’infections atypiques chez les enfants. Ce sont des maladies rares liées à des anomalies intrinsèques des cellules myéloïdes ou de leurs précurseurs : syndrome de Kostmann (agranulocytose génétique infantile sévère), neutropénie du syndrome du polynucléaire paresseux (déficit du chimiotactisme), syndrome de Shwachman‑Diamond, neutropénie des déficits immunitaires (neutropénie associée à une dysgammaglobulinémie…).

Chez les enfants, la neutropénie est qualifiée de modérée entre 500 et 1 500 PNN par millimètre cube sang. Elle est dite profonde en deçà de 500 PNN par millimètre cube sang.

 

Les neutropénies acquises

L’origine iatrogénique est la première cause de neutropénie acquise. Elle est la conséquence d’une diminution de la production des neutrophiles par des médicaments toxiques, idiosyncrasiques ou d’hypersensibilité ou d’une augmentation de la destruction des neutrophiles par des mécanismes immunologiques. Il est important de garder à l’esprit que tous les médicaments peuvent induire des neutropénies.

Elles peuvent être transitoires ou chroniques.

  • neutropénies acquises transitoires

La durée peut être de quelques heures à quelques jours.

Elles peuvent être liées à l’utilisation ou la destruction rapide des neutrophiles ainsi qu’à une production diminuée. Elles peuvent résulter de multiples causes

                      - infectieuses virales

virus d’Epstein‑Barr, de la grippe, HHV‑3, parvovirus B19, hépatites, virus de l’immunodéficience humaine)
                       - bactériennes, fongiques ou parasitaires (paludisme, leishmaniose).

Une neutropénie dans une infection virale est souvent bénigne, alors qu'une neutropénie dans une infection bactérienne est gravissime.

                      - auto‑immunes

Il s'agit de neutropénie chronique au cours du SIDA, la maladie de Goujerot, d'un lupus ou d'une polyarthrite rhumatoïde.

                      - médicamenteuses

Certains immunosuppresseurs sont susceptibles d'aggraver la neutropénie. Certains antithyroïdiens de synthèse et neuroleptiques comptent la neutropénie parmi leurs complications.

L'agranulocytose médicamenteuse a théoriquement disparu en raison du retrait des principes actifs qui la provoquait.

                      - toxiques 

Le trouble est prévisible notamment en cas de chimiothérapie, antinéoplasiques, radiations ionisantes, intoxication professionnelle. Il est imprévisible notamment en cas immunoallergiques….

 

 

  • neutropénies acquises chroniques

La durée est de plusieurs mois, voire des années. 

Elles sont habituellement dues à une production réduite ou à une séquestration splénique excessive. Elles s’accompagnent presque toujours d’une anémie ou d’une thrombopénie. L'origine est le plus souvent central à type d’envahissement de la moelle par des cellules malignes (leucémies aiguës, lymphomes, myélomes, métastases de cancer) ou d’insuffisance médullaire pure (aplasie, neutropénie à production médullaire inefficace dans le cadre d’anémies macrocytaires carentielles en vitamines B9 ou B12). A noter que la baisse des granulocytes est un des symptômes de leucémie aigue myéloblastique.

Dans le cas où la neutropénie est chimio induite, il existe des susceptibilités individuelles telles que le site de la tumeur et de ses métastases, la coexistence d’une infection active, altération de l’état général, malnutrition, envahissement médullaire, âge, intensité des traitements antérieurs et intensité de la chimiothérapie, le taux d'hémoglobines, plaquettes, albumine, LDH, lymphocytes et les cytokines d’inflammations avant la mise en route du traitement.

 

 

Diagnostic de la neutropénie

La présence d’infections à répétition, graves ou inhabituelles chez un sujet à risque ou non, doit être un point d’appel à l’origine d’une suspicion clinique lors de l’anamnèse. 

 L’hémogramme permet la mise en évidence de la diminution du taux de granulocytes neutrophiles ainsi que du degré d’atteinte et du caractère isolé ou non. 

L’identification du mécanisme et de la cause de la neutropénie est primordiale. En situation d’urgence, un myélogramme pourra être réalisé  pour effectuer la recherche de blastes. En fonction des résultats, une biopsie ostéomédullaire sera également pratiquée.

Le myélogramme permettra de poser le diagnostic de leucémie aigüe. 

Hors contexte d’urgence, des épreuves de mobilisation granulocytaires pourront être instaurées pour éliminer l’hypothèse d’une pseudo‑neutropénie chez un sujet qui ne présente pas d’épisode infectieux. 

 La stimulation de la démargination pourra être réalisée grâce à deux types de tests :

  • Test de démargination à l’adrénaline pour mobiliser les granulocytes neutrophiles du pool marginé vasculaire,
  • Si négatif : test à l’hydrocortisone pour induire un relargage médullaire.

Des examens sérologiques peuvent également être entrepris ainsi que des cultures de cellules médullaires pour essayer d’évaluer les processus de différenciation et de maturation des précurseurs myéloïdes. 

En cas de suspicion de neutropénie congénitale, un caryotype sera indiqué ainsi que des tests de génétique moléculaire.

 

Comment soigner la neutropénie et quelle conduite tenir pour limiter les risques de maladies chez le patient concerné

Dès que le diagnostic est posé, son traitement nécessite le recours à différentes solutions. Elles associent médicaments et recommandations d'hygiène:

1. Prévention d'infections : isolement du sujet atteint en chambre particulière ou stérile, soins d’hygiène ((lavage des mains et des plaies superficielles avec une solution saline, bain de bouche, douche avec une solution antiseptique topique, port de masques, sur‑blouse, gants et chaussures), prélèvement bactériologique (hémocultures, en fonction de la porte d’entrée et du site infectieux) pour le diagnostic d’une infection non détectée, surveillance de la radiographie thoracique, éventuelle antibioprophylaxie (si neutropénie fébrile).

2. Traitement de l'infection si elle survient par antibiothérapie probabiliste au début puis adaptée selon les résultats bactériologiques.

3. Traitement étiologique selon la cause de la neutropénie: comme cesser la prise de médicaments myélotoxiques.

4. Dans le cas de la neutropénie chimio induite, les recommandations sont l’instauration urgente d’une antibiothérapie empirique à large spectre, dès la survenance de la fièvre sans attendre les résultats biologiques. L'antibiothérapie à base d’une céphalosporine de 1ère génération (céfotaxime) et aminoside (amikacine) semble efficace sans recours aux ATB de 2éme ligne et l'administration des facteurs de croissance myéloïde.

Parmi les solutions pour pallier le déficits des granulocytes, les patients peuvent tirer bénéfice de solutions thérapeutiques telles que des facteurs de croissance hématopoïétiques et granulocytaires comme le Granulocyte‑Colony Stimulating Factor. Le G‑CSF est une glycoprotéine qui régule la génération et la libération des polynucléaires neutrophiles fonctionnels à partir de la moelle osseuse. Ces traitements ont fait leurs preuves dans la prévention des neutropénies fébriles permettant ainsi de réduire significativement l’incidence des aplasies fébriles, la durée d’hospitalisation et l’incidence des infections. Les patients peuvent ainsi bénéficier d'une meilleure qualité de vie.

 

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Sources

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