Le mélanome : prévenir et dépister ce cancer de la peau en forte augmentation en France
La détection précoce du mélanome est cruciale pour améliorer le pronostic de cette maladie grave. Un diagnostic à un stade précoce permet un taux de survie à 5 ans supérieur à 95 %, réduisant ainsi les risques de métastases et limitant les interventions invasives. De nouvelles solutions émergent en France pour faciliter ce dépistage par les professionnels de sante de proximité. Elles réduisent le parcours de soin des patients.
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Qu'est‑ce qu'un mélanome
Les 2 grands types de cancers de la peau
Ces cancers se répartissent en deux grandes catégories:
- les carcinomes cutanés
Ils sont représentés par les carcinomes basocellulaires et les carcinomes épidermoïdes cutanés. Les carcinomes cutanés constituent 90 % des cas. Ils se propagent rarement.
- les mélanomes
Ce sont des tumeurs malignes provenant des mélanocytes. Ces cellules sont responsables de la production de mélanine et principalement situées dans l'épiderme. Aussi, plus de 90 % des mélanomes apparaissent sur la peau. Bien que cela soit plus rare, ils peuvent également se développer dans d'autres parties du corps contenant des mélanocytes, comme les yeux, la bouche, le vagin, l'anus ou encore sous les ongles.
Mélanome, le cancer de la peau en pleine expansion en France
D'après l'INCA, le mélanome est le cancer dont l'incidence a augmenté le plus rapidement entre 2010 et 2023. Il connait avec une hausse de plus de 2 % par an. En 2023, 17 922 cas ont été recensés en France avec un âge médian respectif de 68 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes.
L'apparition de ce cancer est généralement tardive. Près de trois quarts des nouveaux cas sont diagnostiqués après 49 ans. Seulement 27 % concernent des personnes âgées de 15 à 49 ans. Ce type de cancer est peu fréquent avant l'âge de 20 ans. A l'exception de sa forme ophtalmologique, le mélanome reste très rare chez les enfants.
Pourquoi et comment les mélanomes se développent : physiopathologie et facteurs prédisposants au mélanome
Origine et développement
Environ 80 % des mélanomes cutanés se développent à partir d'une peau saine. 20 % des tumeurs malignes apparaissent à partir des grains de beauté déjà existants.
Types de mélanome
Il existe quatre principaux types de mélanomes de la peau
- Le mélanome superficiel extensif est le plus fréquent
- Le mélanome de Dubreuilh,
- Le mélanome nodulaire,
- Le mélanome acrolentigineux.
Facteurs de risque
- Exposition aux rayons Ultra‑Violet
Les coups de soleil et les expositions aux rayons ultraviolets (UV), qu'ils proviennent du soleil ou de sources artificielles, sont les principaux facteurs de risque prédisposants au mélanome.
- Grains de beauté
Augmentent le risque de mélanome un grand nombre de grains de beauté, des grains de beauté atypiques ou congénitaux, ainsi que le syndrome du nævus dysplasique ou le nævus à mélanocytes congénital .
- Facteurs génétiques
Sont également des facteurs prédisposants certaines affections héréditaires, telles que le xeroderma pigmentosum syndrome de Werner, rétinoblastome.
La mutation du gène suppresseur de tumeur, le gène CDKN2A touche 5 à 25 % des familles à risque de mélanome. Cette mutation augmente la probabilité de développer ce type de cancer cutané.
- Phototype de la peau
Il existe 6 phototypes. Le risque de mélanome augmente si la personne a une peau blanche ou claire avec des taches de rousseur multiples (phototype I ou II) et des cheveux blonds ou roux. Plus la peau, les cheveux et les yeux sont clairs, plus le risque de mélanome est important.
- Antécédents personnels ou familiaux de cancer de la peau
Qu’il s’agisse de mélanome ou d'autres cancers de la peau (carcinome basocellulaire ou spinocellulaire) les personnes avec de type d’antécédents ont un risque accru de récidive
- Déficit immunitaire
Un système immunitaire affaibli augmente la susceptibilité au mélanome.
Démarche diagnostique comment intensifier le dépistage précoce pour maximiser les chances de guérison
La détection précoce d'un mélanome est cruciale pour améliorer les chance de guérison. Elle repose sur une surveillance régulière de la peau.
La stratégie de dépistage précoce implique plusieurs acteurs :
- Le patient, qui doit surveiller l'apparition de lésions suspectes et consulte en cas de doutes,
- Le professionnel de santé de proximité, qui oriente les patients vers un dermatologue,
- Le dermatologue, qui confirme le diagnostic et traite la maladie,
- L’anatomo‑pathologiste, qui valide le diagnostic final.
Inspection par le patient lui‑même
Le mélanome se manifeste généralement par une tache irrégulière ou une modification d’un grain de beauté préexistant. L'auto‑examen de la peau est essentiel pour une détection précoce, surtout chez les personnes à risque. Cet examen, recommandé tous les trois mois, doit être réalisé dans une pièce bien éclairée, à l’aide de deux miroirs pour inspecter l'ensemble du corps, y compris les zones difficiles d'accès.
- Signes d’alarme
Les signes d'alerte incluent :
Modification de la taille, de la couleur ou de la forme d'une ancienne lésion
Apparition récente d'une lésion nouvelle ou persistante (tache brune ou bouton).
Plaies qui ne cicatrisent pas.
La règle ABCD aide à identifier les mélanomes
- A pour Asymétrie
Le grain de beauté n'est pas régulier, ni rond, ni ovale et ses reliefs ne sont pas répartis régulièrement autour de son centre ;
- B pour Bords irréguliers
Les bords du grain du beauté sont irréguliers et mal délimités ;
- C pour Couleur
La lésion présente plusieurs couleurs (noir, bleu, marron, rouge ou blanc) ;
- D pour Diamètre
Le grain de beauté est de grande taille (plus de 6 mm) ;
- E pour Évolution
Il évolue et grossit, change d'épaisseur et de couleur.
En présence d’un ou de plusieurs signes d’alarme, il est recommandé que le patient consulte un professionnel de santé de proximité qui l’orientera le cas échéant vers un dermatologue.
Le professionnel de santé de proximité sensibilisera le patient sur les dangers liés à l’exposition au soleil, au bronzage excessif. Il déterminera les facteurs de risque de mélanome présents. Il l’incitera à faire un auto‑examen chaque trimestre et de voir un dermatologue une fois par an
Rôle du médecin généraliste dans le dépistage des cancers cutanés et la prévention : 1ère ligne de défense contre le mélanome
Les thématiques ci‑dessous ont été développés dans la thèse de E. Kowal.
Rôle
Le médecin généraliste (MG) joue un rôle central dans la détection précoce des cancers cutanés. En effet, il est souvent le premier contact du patient avec le système de santé. Grâce à sa relation de proximité et à son suivi régulier de patients de tous âges. Il est bien placé pour identifier une lésion cutanée suspecte et orienter les patients vers un dermatologue pour des examens plus approfondis. Le MG contribue aussi à la prévention par l'éducation à la protection solaire, notamment pour les populations à risque.
Freins
Cependant, plusieurs freins limitent l’implication des médecins généralistes dans le dépistage des cancers cutanés :
Manque de formation spécialisée : Beaucoup de médecins généralistes estiment ne pas être suffisamment formés à la dermatologie lors de leurs études initiales. Bien que la règle ABCDE soit un outil utile, elle peut sembler peu fiable pour un diagnostic précis.
Temps limité en consultation : Le dépistage des cancers cutanés est souvent chronophage, nécessitant un examen minutieux de la peau, ce qui n'est pas toujours possible dans une consultation standard, où d'autres pathologies nécessitent une attention immédiate.
Accès difficile aux spécialistes : Le manque de dermatologues disponibles, avec des délais de rendez‑vous parfois très longs, décourage certains médecins de s’engager dans un dépistage approfondi.
Réticence liée à la nudité du patient : Demander à un patient de se déshabiller complètement pour un examen cutané peut être une source d’inconfort, tant pour le médecin que pour le patient, notamment dans une relation de proximité qui diffère de celle d'un spécialiste.
Priorités multiples : Les consultations médicales, notamment en médecine générale, sont souvent centrées sur des problèmes de santé jugés plus urgents (cardiologie, diabète, etc.), reléguant le dépistage cutané au second plan.
Facteurs facilitants la prévention
Certains facteurs facilitent néanmoins l’implication des médecins généralistes dans le dépistage des cancers cutanés :
Suivi régulier des patients : Les patients atteints de maladies chroniques ou nécessitant des consultations fréquentes offrent des opportunités pour un dépistage cutané.
Intérêt personnel et formation complémentaire : Les médecins ayant suivi des formations supplémentaires en dermatologie sont généralement plus à l’aise pour détecter des lésions suspectes.
Vigilance des patients : Les patients qui signalent spontanément des lésions ou des changements cutanés aident les médecins à engager un dépistage plus systématique.
Pistes d'amélioration
Pour améliorer le dépistage des cancers cutanés en médecine générale, plusieurs solutions peuvent être envisagées :
Renforcement de la formation continue : Proposer des modules de formation continue en dermatologie, avec une attention particulière à la dermoscopie, permettrait aux médecins généralistes de développer leur expertise et de gagner en confiance dans le dépistage.
Consultations dédiées au dépistage : Créer des consultations spécifiques consacrées au dépistage des cancers cutanés, afin de permettre aux médecins de disposer du temps nécessaire pour un examen approfondi.
Meilleure coordination avec les spécialistes : Faciliter l’accès aux dermatologues via des systèmes de télé‑expertise permettrait aux médecins généralistes d'obtenir rapidement l’avis d’un spécialiste, réduisant ainsi les délais d’orientation des patients.
Consultation d'un dermatologue : le rôle clé dans la confirmation du diagnostic
Le dermatologue procède à un interrogatoire complet
Lors de l’interrogatoire, le dermatologue s’informe des antécédents personnels et familiaux du patient, des facteurs de risque et de son état de santé globale.
Il inspecte toute la peau et les phanères
L’examen clinique vise à évaluer la taille, la forme, la couleur des lésions suspectes et surveiller leur évolution grâce à la règle ABCDE. Par la suite, le médecin réalisera un examen complet de la peau (cuir chevelu, paume de la main, plante du pied) grâce à un dermatoscope. Il finit par la palpation des aires ganglionnaires à la recherche d’un envahissement ganglionnaire.
Il réalise une exérèse de la lésion suspecte
Pour confirmer le diagnostic, le dermatologue va procéder à une exérèse totale de la lésion en général sous anesthésie locale.
Le diagnostic sera confirmé par l’analyse anatomopathologique de la lésion prélevée
L’analyse anatomopathologique des tissus permet de confirmer le diagnostic et de déterminer le stade et le type du mélanome
Cet examen est indispensable pour diagnostiquer de façon certaine un cancer. Il renseigne aussi sur les principaux facteurs pronostiques. Ceci permet de définir le stade du mélanome et d’orienter le choix des traitements.
Un suivi régulier avec le dermatologue sera mis en place.
Plusieurs examens d'imagerie permettent d'évaluer l'extension de la tumeur
Bilan et Examens
Une fois le diagnostic de mélanome confirmé par l’exérèse et l’analyse complète de la lésion, un bilan complémentaire est nécessaire et d'autres examens peuvent être prescrits.
Bilan d’imagerie médicale
En fonction de l'état du patient et des données cliniques de la consultation, le dermatologue peut prescrire:
- Une échographie des ganglions lymphatique. Elle est utilisée pour repérer d’éventuelles modifications de leur structure évocatrices de l’envahissement de ces derniers par les cellules cancéreuses.
- Uscanner thoraco‑abdomino‑pelvien et cérébral. Il permet de détecter des anomalies qui peuvent être le signe d’une propagation du cancer
- Une tomographie par émission de positons (TEP ou TEP Scan ou Pet Scan) au FDG (fluorodésoxyglucose). Cet examen est discuté pour les stades III en complément des deux examens d’imagerie indiqués ci‑dessus. La tomographie permet de rechercher d’éventuelles métastases invisibles sur les images obtenues par les autres techniques d’imagerie ou plus souvent pour vérifier s'il n'y a pas de récidive après les traitements.
Autres examens complémentaires à réaliser
L’INCA préconise de réaliser certains examens pour les mélanomes nécessitants un traitement médicamenteux
- Un test moléculaire réalisée sur le tissu prélevé
Il permet de rechercher certaines anomalies moléculaires orientant la prescription de certaines thérapies ciblées.
- Exérèse du ganglion sentinelle
Cette technique consiste à retirer et à analyser le ganglion ou les ganglions les plus proches de la tumeur. Elle renseigne sur l’envahissement ganglionnaires par les cellules tumorales. Cette exérèse permet ainsi de déterminer le stade et le traitement du mélanome
- Dosage de LDH sanguin en cas de métastase.
Il n’est pas spécifique mais permet de renseigner sur le pronostic.
Traitement
Chirurgie
La chirurgie reste le traitement de référence pour les mélanomes localisés. Une résection supplémentaire est parfois réalisée pour garantir l'élimination complète de la tumeur. Si les ganglions lymphatiques sont atteints, un curage ganglionnaire sera envisagé.
Traitements complémentaires
Dans les formes plus avancées de la maladie, des traitements médicamenteux peuvent être proposés en complément de la chirurgie :
- Immunothérapie : elle renforce le système immunitaire pour qu'il détruise les cellules cancéreuses, souvent grâce à des anticorps monoclonaux administrés par perfusion.
- Thérapie ciblée : cette approche attaque des molécules spécifiques qui favorisent la croissance des cellules tumorales, généralement sous forme de comprimés.
- Chimiothérapie : rarement utilisée, elle bloque la prolifération des cellules cancéreuses dans certains cas.
- Radiothérapie: utilisée pour le traitement des métastases
Suivi post‑opératoire
Après la chirurgie, un suivi régulier est essentiel pour prévenir toutes complications locales (infections, problèmes de cicatrisation, etc.) ou générales telle que les phlébites.
Pour conclure
Un diagnostic à un stade précoce améliore le taux survie, réduit les risques de métastases et limite les interventions invasives. Toutefois, des obstacles persistent, comme le manque de formation des professionnels de santé et le temps nécessaire pour réaliser des examens dermatologiques complets.
Il existe des innovations pour faciliter ce dépistage et d’orienter sans délais les patients vers un spécialiste. En sensibilisant davantage les patients à risque et en intégrant ces innovations dans leurs pratiques, les professionnels de santé améliorent les chances de survie de leur patients; les complications et les coûts des traitements des mélanomes avancés sont réduits.
Sources
HAL Id: dumas‑03999150 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03999150 Submitted on 21 Feb 2023
https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Melanoma-de-la-peau/Points-cles
https://www.cancer-environnement.fr/fiches/cancers/cancer-de-la-peau-melanome/
https://www.ameli.fr/val-de-marne/assure/sante/themes/melanome/depistage
https://www.ameli.fr/val-de-marne/assure/sante/themes/melanome/traitements
https://www.ameli.fr/val-de-marne/assure/sante/themes/melanome/prevention