Cancer du sein triple négatif

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CANCER DU SEIN TRIPLE NEGATIF

 

 

Introduction et épidémiologie : Qu’est‑ce qu'un cancer du sein triple négatif ?

 Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes. Il représente près de 30% des nouveaux cas de cancers féminins. Alors que la mortalité due à ces tumeurs diminue depuis le début des années 1990 en France, l'incidence a tendance à augmenter avec une stabilisation ces dernières années.

 D’après l’Institut National du Cancer (INCa), une sur 8 à 10 femmes, en France, développera un cancer du sein.

Les cancers du sein peuvent varier sur les plans clinique, histologique et moléculaire. Sur le plan thérapeutique, il existe 3 types de cancer du sein. Leur distinction permet de préciser spécifiquement la conduite à tenir. Selon le pronostic, les 2 premiers types peuvent être associés ou non à un traitement adjuvant par chimiothérapie.

 

1. Les cancers HER2‑positifs

Ils représentent environ 15% des cancers du sein. Ils traités par immunothérapie : le Trastuzumab. Cet anticorps monoclonal humanisé stimule, renforce le système immunitaire et inhibe le Récepteur HER2. 

2. Les cancers dits hormono‑sensibles

Ils représentent environ 70% des cancers du sein. Ils expriment uniquement des récepteurs hormonaux :œstrogènes et progestérone.

3. Les cancers dits "triple‑négatifs"

Ils représentent environ 15% des cancers du sein. Ils n’expriment ni la protéine HER2, ni les récepteurs hormonaux. Ils sont systématiquement traités par chimiothérapie.

 

Ses facteurs de risques sont :

-          L’âge,

-          Les antécédents personnels et familiaux,

-          Les facteurs hormonaux tels que l’exposition des femmes aux traitements à base d'hormones à l’âge précoce de la puberté, l'âge tardif de la première grossesse, absence d’allaitement,

-          Les facteurs génétiques : BRCA1 et BRCA2

 Ces gènes sont considérés suppresseurs de tumeurs impliqués dans la réparation de l’ADN dont la mutation prédispose les patientes au  développement de cancer du sein et de l’ovaire.

Les tumeurs du sein «triple négatives» sont caractérisées immunohistochimiquement par :

  • l’absence de récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone

et

  • l’absence d’expression de la protéine HER2.

Vu l'absence de cible thérapeutique propre, son pronostic est particulièrement mauvais ; son profil clinique est défavorable pour la santé des patients atteints.

Il est associé à la survenue à un âge de vie plus jeune : moins de 40 ans.

Malgré une plus grande sensibilité à la chimiothérapie, il comporte un risque de récidive précoce plus élevé.

Son principal facteur de risque est la mutation des gènes BRCA1 et BRCA2.

Parmi les patientes portant une mutation germinale de BRCA1 :

  • environ 10% des patientes présentent une tumeur du sein
  • 90% présentent un cancer Triple négatif.

Tout comme le cancer de type basal, cette catégorie de cancer est caractérisé par son agressivité et son haut grade avec un indice mitotique élevé. Il a  tendance à se développer et à se propager rapidement dans la circulation sanguine et atteindre les ganglions lymphatiques ou autres organes notamment les os, les poumons, le foie et le cerveau. Initialement localisé, le cancer devient alors métastatique.

 

Dépistage et signes cliniques

Pour que les chances de guérison soient importantes, le dépistage de la maladie doit être précoce. L’évolution rapide de cette maladie implique que le diagnostic se fait souvent à un stade avancé voire par la découverte d'extensions. De plus, de nombreux cancers du sein triple négatif, comme ceux de type basal, peuvent être appelés cancers d'intervalle. En effet, ils apparaissent entre 2 mammographies de dépistage régulièrement planifiés.

Le diagnostic des pathologies du sein repose sur une triade : l’examen clinique, l’imagerie et l’histologie.

L’examen commence par une recherche de signes cliniques mammaires : un examen physique et une inspection du sein notamment des déformations cutanées (masse, fossette cutanée), anomalies cutanées à caractère inflammatoire (œdème, rougeur et chaleur) et un aspect en peau d’orange (accentuation des pores), nodules de perméation, ulcérations, écoulement du mamelon, rétraction du mamelon.

Une palpation est effectuée en comprimant la glande contre le grill costal par petits mouvements circulaires à la recherche d’une masse puis d’adénopathies et de signes évoquant des extensions cancéreuses.

Ensuite, les examens d’imagerie tels que mammographie, échographie et IRM mammaire) sont utilisées pour réaliser une mammographie bilatérale. Ils sont associée à l’échographie mammaire bilatérale et des aires ganglionnaires.

Après un résultat positif à la mammographie, une biopsie percutanée mammaire ou des ganglions lymphatiques est indiquée pour procéder à l’histologie et l’anatomopathologie ; cette dernière confirmera le diagnostic de cancer du sein. En détectant la présence ou l'absence de récepteurs spécifiques,  cet examen permet aussi de préciser le type de cancer, son stade, son risque évolutif. 

 Enfin, un bilan d’extension complet par scanner thoraco‑abdomino‑pelvien et scintigraphie osseuse est mené pour confirmer la présence ou non des extensions cancéreuses.

 

 Traitement du cancer du sein triple négatif  : approche générale

 Il est donc important de connaître le type de tumeurs afin d'adopter une prise en charge adéquate à chacun:

-          Savoir s’il s’agit d’une forme localisée ou étendue.

-          Savoir s’il s’agit d’un cancer HER2‑positif ou triple négatif ou hormonosensible

-          Avoir défini les facteurs pronostic.

Une réunion de concertation multidisciplinaire est nécessaire pour prendre en charge un cancer triple négatif. Actuellement, il n'existe pas de  thérapie moléculaire ciblée. Il ne peut pas être traité par la simple prescription d'un médicament spécifique.

 Les options thérapeutiques sont rares et souvent peu efficaces. Il s’agit de la chirurgie selon le volume lésionnel, la chimiothérapie systématique souvent en adjuvant  ou parfois en néoadjuvant , accompagné d’une radiothérapie.

 Classification des traitements :

Il existe des traitements loco‑régionaux dans le cas d’un cancer du sein localisé : chirurgie mammaire associée à une procédure du ganglion sentinelle ou curage axillaire si besoin. Après une chirurgie conservatrice, une étape de radiation externe (sein+/‑aires ganglionnaires) est menée systématiquement. Cette étape est très fréquente après une mastectomie. Pour éclairer la décision thérapeutique, il est toujours important de tenir compte des facteurs de mauvais pronostic selon l'état de santé des patients.

Une thérapie  adjuvante à base de substances chimiques sera toujours menée pour maximiser les résultats des interventions.

Dans le cas des tumeurs du sein étendu: les traitements d’oncologie médicale systémiques seront privilégiés. En première intention se retrouve la chimiothérapie (à base d’anthracyclines) associée à une thérapie ciblée comme un anti angiogénique.

Si des métastases osseuse sont détectées,  il est systématiquement indiqué de mettre en place un médicament à base de Bisphosphonates (clodronate, pamidronate, zoledronate) et denosumab (anticorps anti‑RANK ligand)

 Les bisphosphonates inhibent l’activation des ostéoclastes. Elle entraîne physiologiquement la résorption osseuse. Le denosumab  diminue la résorption osseuse.

 Par sa négativité aux récepteurs d'œstrogènes, de la progestérone et HER2, ce sous‑type de cancer n’est pas accessible aux thérapeutiques ciblées comme l'hormonothérapie ou le trastuzumab. Cela pose un réel problème dans sa prise en charge.

 

Traitement du cancer du sein triple négatif : approche par intervention

 La chirurgie du cancer du sein  dépend de la taille des tumeurs, du sein et de la propagation du cancer dans les ganglions lymphatiques. Elle est possible si la tumeur est localisée et potentiellement résécable. On peut enlever complètement la néoplasie, curer les ganglions et faire une reconstruction mammaire.

L'intervention chirurgicale  conservatrice ou tumorectomie est l’acte chirurgical privilégié autant que possible. Il consiste à retirer la néoplasie et une petite quantité des tissus sains qui l’entourent. Elle est toujours complétée d’une irradiation externe.

L'intervention chirurgicale non conservatrice ou mastectomie consiste à retirer la totalité du sein y compris l’aréole et le mamelon. Dans ce cas, des techniques de reconstruction sont proposées pour améliorer la qualité de vie des femmes. Parfois, il est nécessaire de retirer des ganglions sentinelles ou bien de procéder à des curages ganglionnaires

 Avant une chirurgie de résection, une thérapie néo adjuvante doit être administrée. Il permet également de préserver l’intégrité du sein à opérer.

 La radiothérapie consiste à administrer des rayons ionisants pour irradier et endommager l’ADN des cellules qui composent la tumeur et donc empêcher la réplication de cellules tumorales. Cette dernière intervient en complément des autres solutions thérapeutiques. Elle renforce leurs effets mutuels. Le dosage des rayons ionisants est minutieux pour ne pas risquer de dépasser les seuils de toxicité que peuvent supporter les cellules saines.

 

La chimiothérapie :

Cette technique toujours indiqué dans le cas de cancer triple négatif qu’elle soit adjuvante ou néo‑adjuvante.

Malgré une forte chimiosensibilité, les tumeurs peuvent présenter une résistance et ainsi récidiver précocement. Ce sont des agents cytotoxiques visant l’ADN ou les processus de gestion de l’ADN. Ils visent les cellules proliférantes cancéreuses ou non qui sont très sensibles. Les molécules suivantes peuvent être utilisées : anthracyclines, taxanes comme le docétaxel, capécitabine (prodrogue orale du 5‑fluorouracile), vinorelbine, éribuline.

En thérapie adjuvante, elle est administrée sous forme d'association de médicaments cytotoxiques combinant de manière concomitante ou séquentielle le cyclophosphamide, une anthracycline et/ou un taxane. Le nombre de cycles varie entre 4 et 8 sur une durée de 3 à 6 mois.

 

Traitement du cancer du sein triple négatif : Comment fonctionne la thérapie chimique ?

 Cyclophosphamide

Il s’agit d’un Agent alkylant. Il se lie de manière covalente à l’ADN de la cellule cancéreuse. La formation de liens entre les brins de l’ADN endommage et entraine la mort cellulaire. Le cyclophosphamide peut être utilisé en combinaison avec d’autres agents anticancéreux de mécanismes différents.

 Capécitabine

Il s’agit est d’un anti‑métabolite. Il interfère avec la synthèse des acides nucléiques et inhibe la réplication de l’ADN. Cela entraîne donc un dommage dans l’ADN et l’ARN déclenchant l’apoptose des cellules cancéreuses.

 Anthracyclines

Il s’agit d’agents intercalants de l’ADN. Ils entraînent des coupures définitives des brins d’ADN et la réplication.

 Taxanes

Ce sont des agents anti‑microtubules. Ce type d’anti‑néoplasique inhibe la ségrégation des chromosomes lors de la mitose

Docétaxel, Paclitaxel

Ce sont des inhibiteurs de polymérisation des microtubules pour le cancer du sein adjuvant et étendu

Paclitaxel, -nab est réservé au cancer du sein étendu.

Vincristine et Vinorelbine

Il s’agit de stabilisateur des microtubules  pour le cancer du sein, cancer du sein étendu.

Après un traitement de du cancer triple négatif, un traitement adjuvant a pour but d’éviter une récidive ou des métastases.

 

 Traitement du cancer du sein 3N étendu:

Le délai entre l'identification de la maladie et l’apparition des métastases est variable. Toutefois le risque est le plus important dans les 2‑3 premières années pour cette forme de cancer.

Les sites de prédilection pour une localisation secondaire par ordre de fréquence sont: os, peau, ganglions, foie, poumon. Le professionnel de santé effectue un bilan d’extension complet par scanner thoraco‑abdomino‑pelvien et scintigraphie osseuse ou par TEP‑TDM)

Le besoin d’une thérapie loco‑régionale pour les formes métastatiques est à évaluer selon le contrôle de l’évolution des lésions métastatiques. Même si la stratégie a un objectif non curatif, certaines patientes peuvent obtenir une longue durée de vie.

De nouvelles options thérapeutiques comme l'immunothérapie et les médicaments inhibiteurs de PARP commencent à se développer. L’immunothérapie aide à renforcer ou à rétablir la capacité du Système Immunitaire pour combattre le cancer du sein localement avancé ou métastatique. On trouve les Inhibiteurs des points de contrôle notamment antiPD‑L1 ou inhibiteurs de PARP.

A ce jour, la Haute Autorité de Santé a autorisé une nouvelle approche thérapeutique pour un accès précoce à un traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique triple négatif par immunothérapie pour les personnes présentant une résistance après 2 lignes de traitement systémique ou plus:  sacituzumab govitecan.

Cette immunothérapie à base de sacituzumab govitecan est un anticorps monoclonal qui se lie à une petite molécule, SN‑38, en se liant au récepteur Trop‑2. Ce récepteur est présent sur la plupart des cellules du cancer du sein. L’anticorps va bloquer la topoisomérase I, impliqué dans la réplication de l’ADN pour la prolifération cellulaire.

 

Pour conclure:

Les cancers du sein triple négatifs mettent souvent en défaut le dépistage mammographique conventionnel. Sensibiliser les professionnels de santé et les patientes est primordial afin de ne pas méconnaître des lésions cancéreuses débutantes.


La complexité de cette forme de tumeur repousse les limites dans la recherche médicale et ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Ainsi, en France plusieurs essais sont réalisés afin de développer un médicament comme l’étude du Pr Medioni qui porte sur l’évaluation de l’efficacité et la sécurité de l’atezolizumab de première intention en association au paclitaxel et au bevacizumab chez les patients atteints d’un cancer du sein avancé ou métastatique triple négatif". Les professionnels de santé peuvent trouver cette étude sur notre site intertio.

 

Références :

Informations recherchés sur Health On Net :

-        Freres P, Collignon J, Gennigens C, Scagnol I, Rorive A, Barbeaux A, Coucke PA, Jérusalem G. Le cancer du sein "triple négatif" ["Triple negative" breast cancer]. Rev Med Liege. 2010 Mar;65(3):120‑6. French. PMID: 20411815.

-        Anthony Gonçalves, Renaud Sabatier, Emmanuelle Charafe‑Jauffret, Marine Gilabert, Magali Provansal, Carole Tarpin, Jean‑Marc Extra, Patrice Viens, François Bertucci. Cancer du sein triple‑négatif : caractéristiques histocliniques et moléculaires, prise en charge et perspectives thérapeutiques, Bulletin du Cancer,Volume 100, Issue 5, 2013.

-        Cancers du sein triple‑négatifs Triple negative breast cancers V. Diéras, P. Tresca, C. Le Tourneau, A.V. Salomon, J.Y. Pierga.

-        Collèges de cancérologie (2019), 2ème édition, Medline

-        Collège de gynécologie‑obstétrique (2021), 5ème édition, Elsevier Masson

       Notes de cours “Cancérologie” faculté de Pharmacie, Université Aix‑Marseille Université

Immunity and HER2+ breast cancer: impact of immune
environment and new therapeutic approaches
D. Loirat, V. Diéras 

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